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8 Août 1953
Ce 8 Août 1953, un Samedi, est une belle journée
d’été et, comme chaque fois qu’il fait escale à Roubaix
pour quelques jours, Jeannot le batelier descend de sa
péniche après s’être copieusement disputé avec Mado,
son épouse qui lui reproche de revenir toujours
complètement saoul de ses escapades Roubaisiennes.
Mado est une superbe femme de 28 ans, mère des deux
enfants de Jeannot, Martine et Michel. Elle ne supporte
plus les frasques de son époux et se console dès qu’elle
le peut dans les bras de Willy un batelier hollandais.
Colosse aux yeux bleus et aux cheveux blonds bouclés
qui encadrent un visage d’ange. Willy est amoureux
fou de Mado et rêve de partir un jour avec Elle sur sa
péniche qu’il a appelé : « La Belle Française ». Il aime
beaucoup la France et parle le français presque sans
accent. C’est une force de la nature, courageux et
toujours de bonne humeur. Il est très apprécié de tous
ses confrères, à part Jeannot qui a quelques soupçons
sur les rapports de Mado et Willy. Soupçons entretenus
régulièrement par Léon son ami d’enfance. Justement à
peine à terre, Jeannot retrouve Léon et les voilà partis
chez Lulu et Raymond le petit café de la rue de la vigne.
Ils y passent le plus clair de leur temps à jouer à
la belote et à boire bière sur bière. Léon n’est pas
batelier il travaille dans une filature et, bien que très
ami avec Jeannot, il envie un peu sa liberté sur la
Péniche et, aussi, d’avoir une aussi jolie femme.
Invariablement, après quelques heures au bistrot et
plusieurs litres de bière, nos deux compères reviennent
sur la même discussion. Jeannot commence par écraser
une larme en évoquant ses soupçons sur Mado. Léon
en rajoute une couche en lui disant que s’il était à sa
place, il lui ferait une surprise en rentrant plus tôt que
d’habitude. En effet nos deux camarades ne daignent
sortir de chez Lulu, que lorsque celle-ci ferme et les
met à la porte vers les deux heures du matin. Pourtant
ce 8 Août n’est pas une journée comme les autres.
Jeannot a un éclair de lucidité, en relevant sa casquette
et en rallumant sa cigarette maïs pour la énième fois, il
dit mollement en rouvrant l’œil gauche à Léon,
« T’chiot (petit en patois), t’as raison, ce soir on va
partir plus tôt et on va les coincer tous les deux, t’es
aveuc mi ? (Avec moi en patois) ». Léon acquiesce
d’un œil morne et les voilà en train d’élaborer un plan
digne de Napoléon (un soir de fortes migraines !!). Il
est maintenant 23h30 et, nos deux camarades décident
qu’il est l’heure de mettre leur plan à exécution. Ils
sortent du café et remontent le canal vers
« L’Envieuse ». Sur la péniche de Jeannot, tout est
sombre. Il n’y a aucune lumière à bord. Jeannot entre
dans la péniche. Il n’y a personne, les enfants dorment
chez Léon comme à l’accoutumée puisqu’ils les
hébergent quand leurs parents sont sur les canaux
d’Europe. Mado est absente elle aussi ! Dans son délire
éthylique, Jeannot l’imagine dans les bras de Willy. Il
s’empare du couteau de boucher qui est toujours
accroché au dessus de l’évier et sort retrouver Léon qui
balance sur le quai en essayant de retrouver son
équilibre. Jeannot, ivre de rage, s’est déssaoûlé d’un
coup. Il prend Léon par le bras et lui dit « On va chez
Willy, si elle y est je les tue ! ». Arrivés près de « La
Belle Française », ils voient la porte s’ouvrir et Mado
sortir suivie de Willy. Les deux amants s’embrassent
une dernière fois et, notre belle amie reprend le chemin
de sa péniche. Jeannot est aveuglé par la haine et c’est
Léon qui l’entraîne derrière les arbres pour l’empêcher
de s’en prendre à Mado. Cette dernière passe devant
eux sans les voir et retourne sereine vers son destin.
Léon a eu très peur pour la belle, il est lui aussi
amoureux et, de ce fait, a repris un peu ses esprits, il
dit a Jeannot « Ne t’en prends pas à elle, c’est la mère
de tes enfants, le seul fautif là dedans, c’est Willy ! ».
Jeannot lui jette un regard chargé de haine et, lui fait
signe de le suivre sur la péniche de Willy. Il frappe à la
porte, celle-ci s’ouvre sur l’imposante carrure de Willy
qui voit une forme brillante s’enfoncer par deux fois
dans sa poitrine. Sans un mot il s’écroule en arrière et
ferme à jamais les yeux. Léon est affolé, « qu’oc t’as
fait ? » (Qu’as-tu fait ? en patois) dit il à Jeannot. Ce
dernier est en train d’essuyer le couteau sur la manche
de sa veste et répond à Léon « on n’a pas fini !!! ». Il
est 4 heures du matin lorsque Jeannot rentre sur sa
péniche, Mado fait semblant de dormir. Elle le voit,
avec stupéfaction, Changer de vêtements et ressortir.
Par la petite fenêtre, elle le voit donner le sac contenant
sa veste et son pantalon à Léon qui s’éloigne
rapidement en direction de son domicile, une petite
maison en cour qui donne sur le bord du canal.
9 Août 1953
Les cloches des églises carillonnent et la majorité
des habitants de Roubaix sont à la messe. Neuf heures
du matin, Mado est debout depuis plus d’une heure.
Le café embaume toute la péniche. Jeannot émerge et
Mado s’empresse de lui porter son café au lit. Il le
boit, sans un merci puis lui dit « On est invité chez
Léon ce matin, ce n’est pas la peine de faire à manger
pour ce midi, on mange chez lui aussi, ça va être une
bonne journée, est-ce que ça te fait plaisir ? ». Mado
approuve de la tête et, c’est vrai qu’elle est contente.
Elle s’entend très bien avec Louisette, la femme de
Léon, leurs enfants jouent et vont à l’école ensemble
donc, pas de problème. A 10h30 la petite famille
Pellot, c’est le nom de famille de Jeannot, arrive chez
la famille Vermeulen, patronyme de Léon. Après
s’être dit bonjour et quelques embrassades plus tard,
pendant que les enfants jouent dehors, nos quatre
amis savourent une bonne bière. Soudain Léon
demande à Jeannot de l’accompagner chercher de
l’herbe et des pissenlits pour ses lapins. Il a en effet
un beau clapier au fond de son jardin situé juste en
face de sa maison. Jeannot acquiesce et les deux
compères montent sur leur vélo avec chacun une
petite remorque derrière pour mettre l’herbage. Ils
partent, non sans avoir été prévenus par les deux
femmes qu’il fallait qu’ils soient là pour midi et, en
sang frais !!!. Ils l’ont juré et, aussi incroyable que
cela paraisse, à 11h55 ils sont de retour, sobre et les
remorques pleines. Mado et Louisette n’en reviennent
pas, à tel point qu’elles ont mis les enfants à table et
que rien n’est prêt pour les quatre adultes. A leur
grande surprise, les deux hommes en rigolent et leur
disent qu’en attendant, ils boiront quelques bières en
leur donnant un coup de main. Les deux femmes n’en
croient pas leurs oreilles. Elles se regardent sans trop
comprendre. C’est la première fois qu’ils s’offrent à
aider à une quelconque tache Ménagère ! Pendant que
nos deux familles mangent et passent un bon moment
en plaisantant sur leurs différentes connaissances, on
entend la sirène des pompiers qui se rapproche. De
leur jardin Léon, Jeannot, Louisette et Mado les
voient passer sur la berge. Mado inquiète a peur pour
sa péniche, tout le monde se précipite vers le canal et,
tous pousse un ouf de soulagement. Les pompiers
sont passés devant l’Envieuse et continuent plus loin.
En effet une fumée noire s’élève derrière les arbres !!!
Mado est affolée, c’est là qu’est « La Belle
Française ». Le barrage établi par les pompiers et la
police les empêche d’approcher. Elle insiste et un
pompier finit par lui confirmer qu’il s’agit bien de la
péniche de Willy. Puisqu’il est impossible d’aller voir
ce qu’il se passe sur « La Belle Française », tout notre
petit monde retourne chez Léon et décide d’aller voir
de temps en temps pour prendre des nouvelles. Ces
dernière